Android part à la conquête d'Hollywood pour détrôner l'iPhone à l'écran

Pari audacieux ou révolution discrète ? Google, géant incontournable du numérique, a décidé de faire une entrée remarquée dans l’univers du cinéma et des séries. Mais à sa manière. Loin de se contenter d’un placement de produit classique, la firme de Mountain View a lancé « 100 Zeros », une initiative ambitieuse visant à redorer son image auprès des jeunes générations, et à inscrire ses technologies dans la pop culture.
Un projet discret, mais stratégique
Le projet, révélé par Business Insider, repose sur un partenariat avec Range Media Partners, une société de production hollywoodienne connue pour son flair artistique et son engagement dans des projets pointus, comme Longlegs ou A Complete Unknown. Ensemble, Google et Range ambitionnent de financer des contenus scénarisés et non scénarisés – films, séries, courts-métrages – où les technologies de Google s’intègrent naturellement aux récits.
Le nom du projet, 100 Zeros, fait directement référence à l’origine du mot « Google », inspiré du terme mathématique googol (10¹??). Une manière symbolique d’ancrer cette initiative dans l’ADN même de la marque.
Redorer l’image de Google… en racontant des histoires
Depuis quelques années, Google souffre d’un déficit d’image, notamment chez les plus jeunes. Entre les débats sur la protection des données personnelles et l’émergence de concurrents plus agiles dans le domaine de l’IA, l’entreprise peine à apparaître comme cool ou inspirante. Un contraste saisissant avec Apple, omniprésente dans l’imaginaire des ados – et à l’écran.
88 % des adolescents américains utilisent un iPhone. Et dans les séries, ce sont presque toujours les « gentils » qui en sont équipés. Une domination culturelle que Google entend remettre en question avec cette initiative.
Mais pas question pour autant d’imposer ses produits à l’écran comme de simples réclames. Google insiste : il ne s’agit pas de publicité déguisée, mais d’intégrations discrètes et crédibles, qui servent l’histoire. Par exemple, montrer un personnage utilisant « Circle to Search » sur un smartphone Pixel, ou intégrant Immersive View de Google Maps pour un plan narratif original. Loin d’un spot télé, plus proche d’une immersion culturelle.
Des premiers projets déjà lancés
Le pari n’est pas théorique. Google a déjà mis un pied dans le secteur avec le film d’horreur Cuckoo, produit par Neon, dans lequel le logo de 100 Zeros figure au générique. Aucun matraquage promotionnel, mais une première incursion pour tester le format.
Autre projet en cours : « AI on Film », une collection de courts-métrages explorant les relations entre humains et intelligence artificielle. Objectif : offrir un contrepoint aux récits dystopiques popularisés par des œuvres comme Black Mirror. L’un des projets, Sweetwater, raconte comment un fan inopiné et une IA vont bouleverser les souvenirs d’un homme en deuil – une approche émotionnelle, loin de la science-fiction apocalyptique.
Une stratégie de soft power à la Nike
Plutôt que de diffuser ces contenus sur YouTube ou Google TV, la firme privilégie les plateformes tierces – Netflix, les chaînes de télévision traditionnelles ou d’autres studios. Une approche à la manière de Nike, qui a su créer un studio de contenu sans jamais se transformer en diffuseur. L’objectif : toucher une audience plus large, sans jamais apparaître comme l’émetteur principal.
Cette stratégie de soft power repose sur une promesse : faire des produits Google – Android, Google Maps, Pixel, IA – des objets culturels, naturellement présents dans les récits qui comptent pour les jeunes générations.
Un contexte favorable à Hollywood
L’initiative tombe à un moment charnière pour l’industrie du divertissement. Entre les nouvelles taxes sur les productions étrangères aux États-Unis, les grèves récentes des scénaristes et des acteurs, et un climat économique plus tendu, Hollywood a besoin de financements. Google arrive donc comme un partenaire bienvenu, à condition de respecter les codes de la création.
Pour l’instant, l’équipe derrière 100 Zeros reste modeste : deux personnes chez Range Media, une seule chez Google. Mais les ambitions sont claires, et le carnet de chèques prêt à s’ouvrir.
Android, l’outsider en reconquête
Au cœur de cette stratégie, on trouve le désir de faire d’Android une marque désirable. Longtemps perçu comme un système pratique mais peu séduisant, Android peine à rivaliser avec l’image luxueuse et exclusive d’Apple, notamment chez les jeunes. Google le sait : pour regagner du terrain, il faut plus que des arguments techniques. Il faut des histoires. Des émotions. Et des héros qui, sans y penser, utilisent Android comme un choix évident.
Vers un changement de paradigme ?
Avec 100 Zeros, Google ne cherche pas à vendre directement ses produits, mais à les faire aimer. À les rendre visibles, familiers, aspirants. Comme autrefois les cigarettes dans les films noirs, ou les Converse dans les teen movies.
Si cette stratégie réussit, elle pourrait bien transformer la perception des produits technologiques dans les récits contemporains. Et faire d’un téléphone Android non plus un simple outil, mais un marqueur culturel.