Avant 6 ans, pas de smartphone : l'appel des experts à la vigilance parentale

C’est un cri d’alarme que lancent cinq des principales sociétés savantes françaises dans une tribune choc publiée ce mardi. Face à l’ampleur des conséquences de l’exposition précoce aux écrans, les spécialistes appellent à une prise de conscience collective immédiate : "Pas d’écran avant 6 ans", affirment-ils, preuves scientifiques à l’appui. En 2025, le doute n’est plus permis, selon les signataires issus de la pédiatrie, de la psychiatrie de l’enfant, de la santé publique, de l’ophtalmologie et de l’environnement.
Une génération sacrifiée sur l’autel de l’ignorance
Derrière cet appel solennel, deux figures de la médecine : la neurologue Servane Mouton, experte des troubles des apprentissages, et le psychiatre Amine Benyamina, spécialiste des addictions. Tous deux coprésidaient en 2024 une commission d’experts mandatée par Emmanuel Macron. Leur constat est sans appel : une génération entière a déjà été exposée de manière excessive et précoce aux écrans, avec des conséquences profondes et irréversibles.
Les premières années de vie, soulignent-ils, sont une période cruciale de développement neurologique. Loin de favoriser l’apprentissage, les écrans entravent et altèrent la construction du cerveau, saturant la capacité attentionnelle des tout-petits et compromettant la consolidation de leurs connexions neuronales.
Des dégâts constatés dès la maternelle
Dans les cabinets médicaux comme dans les salles de classe de maternelle et de cours préparatoire, les professionnels de santé et enseignants observent quotidiennement les conséquences :
- Retards de langage,
- Troubles de l’attention et de la mémoire,
- Agitation motrice,
- Difficultés d’interactions sociales.
Qu’il s’agisse de télévisions, de tablettes ou de téléphones, le format n’y change rien. Le jeune cerveau n’est pas conçu pour traiter l’avalanche d’images, de sons et de stimulations lumineuses qu’imposent ces outils numériques. Pire encore, les contenus dits "éducatifs" ne compensent en rien ces effets délétères.
Une menace aussi physique que cognitive
L’impact des écrans ne se limite pas au seul développement intellectuel de l’enfant ; sa santé physique en subit également les conséquences. Les professionnels de santé alertent notamment sur un risque accru de troubles visuels, liés à une surexposition à la lumière bleue émise par les écrans, qui fragilise la rétine encore en développement et favorise l’apparition précoce de la myopie. Par ailleurs, l’usage des écrans, en particulier en fin de journée, perturbe profondément les rythmes biologiques de l’enfant. En affectant la qualité et la régularité du sommeil, cette exposition altère l’équilibre global de sa santé, déjà vulnérable à cet âge clé du développement.les rythmes circadiens, avec des effets prolongés sur la santé globale.
Les scientifiques insistent : l’enfant n’est pas un adulte en miniature. Son développement repose sur l’exploration active de l’environnement, l’usage de tous ses sens, le jeu libre, l’interaction humaine et le langage partagé.
Un message jugé trop faible de la part des autorités
Jusqu’ici, les recommandations officielles se contentaient de préconiser aucun écran avant 3 ans. Mais pour les sociétés savantes, ce seuil est désormais obsolète. Il ne reflète ni l’état des connaissances scientifiques actuelles ni les observations cliniques de terrain. En conséquence, elles plaident pour un message plus clair, plus ferme, et une réglementation similaire à celle interdisant certains jouets aux moins de 36 mois.
Un enjeu social et politique majeur
Les experts soulignent que l’exposition excessive aux écrans touche particulièrement les foyers les plus défavorisés, accentuant les inégalités sociales dès le plus jeune âge. Ils appellent à une mobilisation des parents, enseignants, éducateurs, soignants et décideurs politiques pour construire des environnements propices au développement des enfants.
Pour ces experts, il ne s’agit pas de diaboliser le numérique mais il y a un âge pour tout. Les écrans doivent rester absents du quotidien des enfants avant 6 ans, sauf exception dans le cadre d’un accompagnement médical spécifique (notamment pour les enfants présentant des troubles neurodéveloppementaux).
Vers un tournant dans la politique de santé publique ?
À la lumière de ces constats accablants, les signataires en appellent directement aux pouvoirs publics. "Les institutions ont un rôle majeur à jouer", affirment-ils. Il est temps de reconsidérer le cadre législatif, d'intensifier la prévention, de financer des campagnes de sensibilisation, et de protéger les plus jeunes d’un danger désormais documenté.