Escobar Fold : l'incroyable escroquerie aux smartphones pliables qui a piégé des milliers de clients dans le monde

Derrière l’image sulfureuse de Pablo Escobar, un business illusoire de téléphones pliables a permis à un escroc d’enrichir son empire frauduleux. L’affaire, désormais jugée aux États-Unis, révèle une escroquerie d’une ampleur internationale.
Un smartphone pliable à prix cassé… qui n’existait pas
C’est une affaire qui mêle technologie, manipulation marketing et fraude internationale. En 2019, la société Escobar Inc. surgit sur la scène tech mondiale en promettant un smartphone révolutionnaire : l’Escobar Fold 1, un téléphone pliable vendu à seulement 349 dollars, soit une fraction du prix d’un Galaxy Fold ou d’un Huawei Mate X. Présenté comme plus solide, plus sécurisé, incassable et surtout, « meilleur qu’un iPhone », l’appareil s’affiche dans des vidéos marketing sulfureuses, au sein d’un univers volontairement provocant et tapageur. Le tout auréolé d’un nom lourd de symbolique : celui du narcotrafiquant Pablo Escobar.
Son frère, Roberto Escobar, se targue de vouloir "battre Apple" à son propre jeu. Le site de la société annonce une nouvelle ère pour la téléphonie mobile et multiplie les attaques contre les géants de la tech. Le Escobar Fold 2, lancé dans la foulée en 2020, est quant à lui proposé à 399 dollars. Mais très vite, la supercherie est révélée : ces appareils ne sont que de simples rebrandings de modèles existants — le Royole FlexPai pour le Fold 1, et un Samsung Galaxy Fold recouvert d’un autocollant doré pour le Fold 2.
Une illusion bien ficelée, alimentée par des influenceurs
Pour crédibiliser son offre, Escobar Inc. envoie quelques exemplaires de démonstration à des influenceurs tech réputés. Le YouTuber américain Marques Brownlee (MKBHD) fait partie des destinataires. Dans une vidéo devenue virale, il révèle n’avoir jamais reçu le Fold 1 commandé… et que le Fold 2 n’était autre qu’un Samsung déguisé, vendu pourtant comme un produit unique et « conçu » par Escobar Inc.
L’envoi sélectif de téléphones maquillés à des créateurs de contenu participe à bâtir une illusion de légitimité. Les critiques publiées, souvent sans soupçonner la fraude, suscitent une vague d’achats. Mais en coulisses, les choses sont bien différentes : la majorité des clients n’ont jamais reçu leur téléphone. À la place, ils reçoivent un certificat de propriété, un livre promotionnel, ou de simples goodies à l’effigie d’Escobar.
Une fraude construite pour contourner les demandes de remboursement
Ce stratagème permet à l’entreprise d’esquiver les procédures de remboursement. En fournissant la preuve d’un envoi postal (le certificat ou un autre document), Olof Kyros Gustafsson, PDG d’Escobar Inc. et cerveau de l’arnaque, faisait croire aux plateformes de paiement (PayPal, Klarna, Stripe...) qu’un produit avait bien été livré, rendant ainsi très difficile le remboursement pour les clients lésés.
L’arnaque ne s’arrête pas aux téléphones. La société commercialise aussi des lance-flammes, des iPhone plaqués or, ou encore une mystérieuse crypto-monnaie physique baptisée Escobar Cash. Tous ces produits ont un point commun : ils ne sont jamais expédiés.
Un réseau de blanchiment bien organisé
Au total, entre 2019 et 2020, la fraude aurait permis de détourner plus de 307 000 dollars. Pour dissimuler l’origine des fonds, Gustafsson met en place un réseau de comptes bancaires internationaux : en Europe, aux États-Unis et au Moyen-Orient. Certains comptes sont ouverts au nom d’entités qu’il contrôle, d'autres au nom de proches. Des virements sont effectués via la Suède ou les Émirats arabes unis, brouillant ainsi les pistes et retardant les alertes aux autorités.
Arrêté en Espagne en 2022, Olof Gustafsson est extradé vers les États-Unis en mars 2023. Il finit par plaider coupable de six chefs d’accusation, dont fraude électronique, fraude postale et blanchiment d’argent. Il encourt jusqu’à 20 ans de prison par chef d’accusation pour fraude, et 10 ans pour blanchiment d’argent, soit un maximum de 120 ans d’emprisonnement. Il devra également verser jusqu’à 1,3 million de dollars de dédommagement aux victimes.
Quand l’image d’Escobar devient un produit de marketing toxique
L’affaire Escobar Fold dépasse la simple arnaque. Elle symbolise un modèle de manipulation numérique : construire une marque virale, avec un nom sulfureux, des campagnes marketing provocantes, et utiliser des figures d’autorité sur les réseaux sociaux pour gagner en crédibilité. Un schéma qui a trouvé écho dans une société hyperconnectée, où l’effet de nouveauté et le buzz prennent parfois le pas sur la vérification des sources.
Derrière cette façade, une structure frauduleuse minutieusement organisée. En exploitant l’image controversée de Pablo Escobar, Escobar Inc. a su créer une illusion d’exclusivité et de rébellion contre les géants du secteur. Mais les promesses de téléphones incassables à prix sacrifiés ont vite laissé place à des doutes, puis à des plaintes massives. Le rêve d’un smartphone pliable révolutionnaire s’est effondré dans une réalité judiciaire implacable.
Une leçon à l’ère des arnaques virales
L’audience de détermination de la peine d’Olof Gustafsson est fixée au 5 décembre 2025. D’ici là, l’affaire reste un cas d’école des dérives du marketing en ligne et de la facilité avec laquelle des escrocs peuvent exploiter un nom célèbre pour soutirer des centaines de milliers de dollars à des consommateurs mal informés.
À l’heure où les influenceurs jouent un rôle croissant dans les décisions d’achat et où les produits « révolutionnaires » émergent en un clic, l’affaire Escobar Fold rappelle qu’un emballage doré cache parfois une arnaque bien huilée.