Le marché américain du smartphone en mutation : Apple recule, Samsung accélère, l'Inde devient l'usine du monde

Le deuxième trimestre 2025 aura marqué un tournant décisif sur le marché des smartphones aux États-Unis. Alors que la croissance globale du secteur n’a progressé que d’un modeste 1 % par rapport à l’année précédente, les dynamiques concurrentielles et géopolitiques révèlent des bouleversements profonds. Apple, leader incontesté du marché américain, voit sa domination s’effriter, tandis que Samsung opère une remontée spectaculaire. En toile de fond, la réorientation stratégique des chaînes de production, provoquée par les tensions sino-américaines, propulse l’Inde au rang de premier fournisseur du pays.
Apple en recul, Samsung en pleine ascension
Selon les derniers chiffres publiés par Canalys (désormais intégré à Omdia), les expéditions d’iPhone aux États-Unis ont reculé de 11 % sur un an, pour s'établir à 13,3 millions d’unités au deuxième trimestre 2025, contre 14,9 millions un an plus tôt. Une baisse marquante, qui intervient après un premier trimestre flamboyant (+25 %) mais laisse Apple en tête avec 49 % de part de marché.
Face à ce recul, Samsung affiche une progression impressionnante de 38 % avec 8,3 millions de smartphones livrés, majoritairement tirés par sa gamme Galaxy A. Sa part de marché bondit de 23 % à 31 %, réduisant l’écart avec Apple à seulement 18 points, contre 33 un an plus tôt : du jamais vu depuis plus d’une décennie.
Galaxy A en vedette, iPhone 16 Pro à la peine
Contrairement aux idées reçues, ce ne sont pas les modèles premium qui portent la croissance de Samsung. Ce sont bien les modèles milieu de gamme, notamment les Galaxy A16 5G, A36 et A56, qui séduisent un public plus large grâce à leur excellent rapport qualité-prix, leur connectivité 5G et leur accessibilité tarifaire.
À l’inverse, Apple reste dépendant de son positionnement haut de gamme, plus vulnérable en période d’inflation. L’iPhone 16 Pro, bien qu’assemblé partiellement en Inde pour répondre aux exigences douanières, n’a pas suffi à enrayer la baisse des volumes.
Révolution géopolitique : l’Inde dépasse la Chine dans l’assemblage
Le changement le plus spectaculaire concerne toutefois les lieux de production. Pour la première fois, l’Inde est devenue le principal hub manufacturier des smartphones destinés aux États-Unis, avec une envolée de 240 % des volumes sur un an. Les smartphones "Made in India" représentent désormais 44 % des importations américaines, contre 13 % en Q2 2024.
La Chine, historiquement dominante, chute brutalement de 61 % à 25 % de part dans les expéditions vers les États-Unis. Cette transition est largement motivée par les tensions commerciales persistantes et la crainte de nouveaux droits de douane.
Outre Apple, Samsung et Motorola ont eux aussi intensifié leurs opérations en Inde, même si leurs volumes restent inférieurs. Samsung reste toutefois très dépendant de ses usines au Vietnam, qui représentent aujourd’hui 30 % des importations américaines.
Des chiffres en trompe-l'œil : des livraisons massives, une demande fragile
Malgré cette intense activité logistique, la croissance de 1 % du marché américain masque une réalité moins optimiste. Les constructeurs ont en effet massivement sur-stocké leurs produits pour anticiper d’éventuelles hausses tarifaires prévues plus tard dans l’année.
« Le décalage entre les volumes expédiés (sell-in) et les ventes réelles (sell-through) montre que la demande reste modeste dans un contexte économique difficile », analyse Runar Bjorhovde, analyste chez Canalys.
Samsung a largement profité de cette stratégie avec des stocks gonflés, notamment pour la série Galaxy A. Apple a également intensifié ses livraisons en fin de premier trimestre. Mais ces tactiques pourraient peser lourdement sur les résultats si les ventes ne suivent pas au second semestre.
Les petits acteurs à la peine, la polarisation s’intensifie
Autre conséquence de cette mutation du marché : il devient de plus en plus difficile pour les petits et moyens constructeurs de justifier leur présence aux États-Unis. Le marché est aujourd’hui verrouillé à 90 % par Apple, Samsung et Motorola, laissant peu de place à la concurrence.
Des marques comme HMD (Nokia) réduisent leur présence, tandis que OnePlus ou Nothing misent sur des stratégies alternatives, axées sur la vente directe en ligne via Amazon, BestBuy ou leur propre site. Mais leur manque de volume limite leur capacité à s’imposer durablement.
Quelles perspectives pour le second semestre 2025 ?
L’enjeu des mois à venir sera de voir si Apple parvient à renverser la tendance avec le lancement attendu de l’iPhone 17. Doté, selon les rumeurs, d’un nouveau design et de fonctions d’intelligence artificielle avancées, il pourrait séduire un public en quête d’innovation tangible.
Mais face à une Samsung en embuscade, une Motorola résiliente, et une chaîne d’approvisionnement mondialisée qui évolue à grande vitesse, Apple joue gros. Le géant de Cupertino devra conjuguer adaptation industrielle, innovation produit et intelligence tarifaire pour conserver sa couronne.