Voyager avec son iPhone plutôt qu'un passeport : Apple déploie Digital ID dans les aéroports américains

Fin octobre, Apple dévoilait lors d’un salon à Las Vegas une évolution majeure de son écosystème : la possibilité d’intégrer le passeport américain dans l’application Wallet. Jennifer Bailey, vice-présidente d’Apple Pay, évoquait alors une première utilisation dans les aéroports des États-Unis, limitée aux vols domestiques et excluant tout usage international.
À peine deux semaines plus tard, cette innovation quitte le stade de la démonstration pour entrer en service à grande échelle. Depuis quelques jours, les citoyens américains peuvent désormais présenter une version numérique de leur passeport dans plus de 250 aéroports du pays.
Digital ID : comment fonctionne le nouveau passeport numérique d’Apple ?
Le passeport numérique créé par Apple ne remplace pas le document officiel mais en propose une version dérivée, baptisée Digital ID, utilisable pour les contrôles gérés par la Transportation Security Administration (TSA). Apple a conçu un protocole d’enrôlement pensé pour réduire les risques d’usurpation. Le titulaire doit photographier la page d’information de son passeport, scanner la puce NFC en posant l’iPhone sur le document, puis réaliser plusieurs selfies accompagnés de micro-mouvements du visage afin d’activer la vérification biométrique.
Une fois l’identité validée, le certificat est ajouté à Wallet. Les voyageurs peuvent alors présenter leur Digital ID sans déverrouiller leur appareil : il suffit d’ouvrir Wallet par un double clic et de tenir l’iPhone ou l’Apple Watch près du lecteur d’identité de la TSA. Aucun écran n’est montré à l’agent, les données nécessaires s’affichent automatiquement sur son terminal. Apple insiste sur la confidentialité : les informations restent stockées localement et l’entreprise ne sait ni quand ni où l’identité numérique est utilisée.
Une extension majeure de Wallet dans un pays sans carte d’identité nationale
Aux États-Unis, l’absence de carte d’identité nationale a toujours fragmenté les usages autour de documents variés, du permis de conduire à la carte verte. Depuis mai 2025, la norme REAL ID impose une pièce certifiée pour embarquer sur un vol intérieur. Jusqu’ici, seuls certains permis de conduire compatibles pouvaient être ajoutés à Wallet, dans douze à treize États partenaires selon les programmes.
Avec l’arrivée du passeport, Apple change d’échelle. Pour la première fois, tous les Américains disposant d’un passeport biométrique peuvent créer une identité numérique utilisable dans les aéroports, même si leur État ne participe pas encore au programme initial. Cette évolution marque un tournant : le passeport, document fédéral, devient la porte d’entrée d’un système unifié au sein de Wallet.
Sécurité et souveraineté numérique : les garanties mises en avant par Apple
Apple déclare que les données d’identité sont entièrement chiffrées, jamais envoyées vers ses serveurs et contrôlées exclusivement par l’utilisateur. Le système ne partage qu’un nombre limité d’informations lors des vérifications, évitant la divulgation intégrale du document. L’idée est d’instaurer, sous le sceau de la confidentialité, la confiance nécessaire à l’adoption d’un document aussi sensible qu’un passeport.
Selon la firme, cette architecture doit permettre des usages plus larges à l’avenir, qu’il s’agisse de vérifier l’âge dans un bar, de s’authentifier dans une application ou de rattacher l’identité numérique à des services tiers. Apple imagine Wallet comme un véritable portefeuille administratif, capable de remplacer en tout ou partie les documents physiques du quotidien.
Un déploiement progressif dans 250 aéroports américains
La première phase repose exclusivement sur les contrôles de la TSA. Dans environ 250 aéroports, les passagers peuvent déjà présenter leur Digital ID sur iPhone ou Apple Watch pour accéder aux points de sécurité dédiés aux vols domestiques. Les trajets internationaux restent exclus : le passeport papier demeure nécessaire pour passer une frontière ou voyager hors des États-Unis.
Pour les voyageurs qui ne disposent pas d’un permis de conduire compatible REAL ID, cette nouveauté représente une première possibilité d’utiliser Wallet comme pièce d’identité valable. Le geste est simple, l’iPhone ne quitte pas la main du passager, et l’agent ne manipule plus aucun document physique.
Une avancée américaine qui relance les questions en France
La révolution amorcée aux États-Unis interroge inévitablement les autres pays. En France, le gouvernement a choisi une voie différente avec l’application France Identité, très avancée sur le plan sécuritaire mais qui ne permettra pas l’intégration des documents dans Apple Wallet. Le futur européen pourrait cependant rebattre les cartes : Bruxelles travaille depuis plusieurs années à l’élaboration d’un portefeuille d’identité numérique commun, appelé à regrouper carte nationale, permis ou documents administratifs.
Même si un déploiement équivalent semble encore lointain en France, le mouvement global paraît irréversible. Comme les cartes bancaires dématérialisées ou les titres de transport, les documents d’identité devraient progressivement migrer vers les smartphones. Reste à trouver un équilibre entre la praticité, la souveraineté publique et les exigences de sécurité informatique indispensables à une telle transformation.
Apple pose les bases d’un futur sans documents physiques
Avec Digital ID, Apple franchit une étape symbolique : le passeport, document le plus protégé d’un citoyen, trouvera désormais sa place dans l’iPhone. Ce basculement ne bouleverse pour l’instant que les voyages intérieurs américains, mais il dessine déjà une perspective claire : celle d’un monde où Wallet deviendra peut-être le porte-documents officiel de millions d’utilisateurs.