WhatsApp sans WhatsApp : discuter sans compte ni application va devenir possible

Dans un mouvement stratégique destiné à démocratiser encore davantage son usage, WhatsApp, la messagerie instantanée de Meta, teste une fonctionnalité inédite baptisée «?guest chats?» ou «?conversations invitées?». Son ambition ? Permettre à tout internaute d’échanger avec un utilisateur de WhatsApp, sans pour autant posséder un compte ni installer l’application. Un changement de paradigme majeur pour un service historiquement fermé à ses seuls membres, et qui reflète à la fois les nouvelles obligations légales en Europe et la volonté de Meta d’étendre son influence au-delà de ses 3 milliards d’utilisateurs actuels.
Une fonctionnalité révélée en avant-première par WABetaInfo
C’est en fouillant dans la version bêta 2.25.22.13 de l’application que le site spécialisé WABetaInfo a mis au jour cette nouvelle fonctionnalité. Concrètement, un utilisateur classique de WhatsApp pourra générer un lien d’invitation à partager avec toute personne extérieure à la plateforme. En cliquant sur ce lien, le destinataire accède à une interface de messagerie en ligne vraisemblablement calquée sur celle de WhatsApp Web, lui permettant de discuter directement avec l’expéditeur, sans authentification, téléchargement, ni création de compte.
Simplicité d’accès, chiffrement garanti… mais fonctionnalités restreintes
L’un des grands avantages de cette innovation réside dans sa facilité d’accès. Un simple clic suffit pour entrer en communication, supprimant toute barrière technique ou logistique. La conversation est, en prime, entièrement chiffrée de bout en bout, au même titre que les discussions classiques sur l’application. Un gage de sécurité important, qui garantit que seuls les deux interlocuteurs peuvent consulter les échanges.
Cependant, cette simplicité a un prix : les fonctionnalités disponibles dans les discussions invitées seront drastiquement limitées. Impossible d’envoyer ou de recevoir des fichiers multimédias, tels que photos, vidéos, GIFs ou documents. Les messages vocaux, les appels (audio ou vidéo) ainsi que les conversations de groupe seront également exclus. Seuls les messages texte seront autorisés, dans un cadre strictement individuel.
Ces limitations ne sont pas anodines. Elles visent notamment à limiter les risques d’abus (harcèlement, spam, phishing), tout en réduisant la charge serveur que pourrait générer une ouverture trop large aux non-utilisateurs.
Une démarche en phase avec les nouvelles régulations européennes
Cette initiative s’inscrit dans un contexte réglementaire en pleine mutation. Le Digital Markets Act (DMA), récemment entré en vigueur dans l’Union européenne, impose aux géants du numérique et notamment aux « gatekeepers » comme Meta d’ouvrir leurs plateformes à la concurrence. WhatsApp est déjà en train de rendre ses services interopérables avec d’autres applications de messagerie comme Signal, Telegram ou iMessage. L’introduction des « guest chats » apparaît donc comme une extension logique de cette évolution : au lieu d’attendre que d’autres services viennent frapper à sa porte, WhatsApp franchit lui-même les murs pour aller chercher de nouveaux interlocuteurs.
Séduire les non-utilisateurs… et capter de nouveaux marchés
Au-delà de la contrainte légale, l’objectif est aussi stratégique : conquérir une nouvelle population jusqu’ici réticente à rejoindre WhatsApp. La promesse est claire : tester le service sans engagement. Une sorte de démonstration gratuite, qui pourrait convaincre de franchir le pas vers une adoption complète de l’application.
Les entreprises pourraient également bénéficier de cette ouverture : service client simplifié, support direct, interactions commerciales sans friction… Les cas d’usage sont nombreux. Un simple lien suffira à initier un échange avec un prospect ou un client, sans lui imposer de changer ses habitudes numériques.
Des questions encore en suspens
Si la fonctionnalité est prometteuse, plusieurs zones d’ombre subsistent. Quelle sera la durée de validité des liens d’invitation ? L’utilisateur initiateur pourra-t-il mettre fin à la session à tout moment ? Un système de filtrage ou de validation sera-t-il proposé pour éviter les intrusions ou les abus ? Autant de points cruciaux pour que ce système tienne ses promesses en matière de sécurité et d’expérience utilisateur.
Par ailleurs, aucune date de déploiement officielle n’a encore été annoncée. Mais selon WABetaInfo, les discussions invitées devraient être intégrées dans une future mise à jour de WhatsApp, sur Android comme sur iOS, dès que les derniers ajustements techniques auront été finalisés.
WhatsApp change de visage sans changer de philosophie
En apparence, autoriser des utilisateurs sans compte à discuter sur WhatsApp pourrait sembler contradictoire avec l’ADN du service, historiquement centré sur l’identité et le numéro de téléphone. Mais Meta semble avoir trouvé un équilibre subtil entre ouverture et contrôle, accessibilité et sécurité. En faisant tomber ses murs, WhatsApp ne s’affaiblit pas — au contraire, il se positionne en pionnier d’une nouvelle ère de messagerie, plus ouverte, plus inclusive et potentiellement plus puissante.
L’avenir dira si les « guest chats » séduiront les foules ou resteront un usage de niche. Mais une chose est sûre : WhatsApp n’a pas dit son dernier mot dans la course à la domination de la communication mondiale.