Altice rejette l'offre de rachat à 17 milliards d'euros d'Orange, Bouygues et Free, mais les trois opérateurs maintiennent la pression

C’est un coup de tonnerre dans le ciel déjà chargé des télécoms français. Le groupe Altice France, maison mère de SFR, a décidé de rejeter l’offre conjointe d’Orange, Bouygues Telecom et Free (groupe Iliad), déposée lundi 14 octobre au soir, qui visait le rachat d’une large partie de ses activités pour une valeur d’entreprise estimée à 17 milliards d’euros.
Une proposition inédite à trois têtes, qui, si elle avait été acceptée, aurait marqué la plus importante reconfiguration du marché français depuis plus d’une décennie.
Une offre commune de 17 milliards d’euros pour sauver SFR et stabiliser le secteur
L’offre soumise par les trois principaux opérateurs français couvrait la majorité des actifs d’Altice France, y compris SFR, à l’exclusion de plusieurs filiales comme Intelcia, UltraEdge, XP Fibre et Altice Technical Services, ainsi que les entités ultramarines.
Selon leurs calculs, la transaction valorisait l’ensemble d’Altice France à plus de 21 milliards d’euros, sur la base du périmètre retenu pour les discussions.
L’ambition affichée était double : consolider un secteur marqué par une forte concurrence et sauver un acteur en difficulté financière, tout en préservant la diversité du marché. La répartition proposée des actifs reflétait cette volonté d’équilibre. Bouygues Telecom et Iliad auraient pris la main sur les activités B2B (entreprises), tandis que l’activité grand public (B2C) aurait été partagée entre les trois groupes.
Les infrastructures, notamment les fréquences et les équipements de réseau, auraient été mutualisées, à l’exception du réseau mobile de SFR en zones rurales, promis à Bouygues Telecom. Côté valorisation, la clé de répartition prévoyait 43 % pour Bouygues, 30 % pour Iliad et 27 % pour Orange.
Un projet stratégique pour la souveraineté numérique française
Derrière cette opération financière, les opérateurs mettaient surtout en avant une ambition industrielle.
Ils affirmaient vouloir « renforcer les investissements dans la résilience des réseaux très haut débit, la cybersécurité et les nouvelles technologies comme l’intelligence artificielle », tout en garantissant un environnement concurrentiel bénéfique aux consommateurs.
Pour les trois groupes, ce projet n’était pas seulement une opération de croissance externe : il visait à consolider des infrastructures considérées comme stratégiques pour la souveraineté numérique de la France, dans un contexte où la maîtrise des réseaux et des données devient un enjeu national.
Une offre non engageante, soumise à de nombreuses conditions
Les trois opérateurs avaient toutefois pris soin de préciser que leur offre restait non engageante à ce stade.
Sa transformation en proposition ferme dépendait de plusieurs étapes : la réalisation de due diligences financières et opérationnelles, la vérification des hypothèses de valorisation, la consultation des instances représentatives du personnel et, enfin, l’obtention des autorisations réglementaires, notamment de l’Autorité de la concurrence et de l’Arcep.
Pour garantir la continuité de service, une société commune transitoire était même envisagée afin d’assurer la gestion des actifs avant leur transfert définitif.
Altice France, sous pression d’une dette colossale
Cette tentative de rachat intervient dans un contexte de forte tension pour Altice France, dont la dette, longtemps l’une des plus lourdes du secteur, reste écrasante malgré une réduction récente à 15,5 milliards d’euros début octobre, contre 24 milliards auparavant.
Patrick Drahi, fondateur et président du groupe, cherche depuis plusieurs mois à alléger cette dette tout en préservant les activités stratégiques d’Altice.
Le rejet de l’offre à 17 milliards montre néanmoins sa volonté de conserver la maîtrise de SFR, peut-être dans l’espoir de trouver une alternative financière ou industrielle plus avantageuse.
Un refus qui ne décourage pas Orange, Bouygues et Free
Malgré ce refus, les trois opérateurs ne désarment pas. Dans un communiqué commun publié le 15 octobre, Orange, Bouygues Telecom et Free (groupe Iliad) ont affirmé maintenir leur offre, convaincus de sa pertinence et de son intérêt stratégique pour l’ensemble du marché.
« Les trois opérateurs restent convaincus de la pertinence de leur proposition et de l’intérêt du projet industriel qu’ils poursuivent pour le marché et l’ensemble de ses parties prenantes, clients, salariés, créanciers et actionnaires », déclarent-ils.
Les groupes se disent prêts à « créer un dialogue constructif avec Altice et ses actionnaires pour envisager ensemble la manière dont ce projet pourrait prospérer ». En d’autres termes, les discussions ne sont pas closes : la porte reste entrouverte pour une renégociation ou une future offre révisée, sous réserve d’un changement de position du groupe de Patrick Drahi.
Vers un nouveau visage du marché français des télécoms ?
Si un tel rapprochement venait à se concrétiser, il bouleverserait profondément le paysage télécom français, déjà marqué par l’arrivée fracassante de Free sur le mobile en 2012.
Cette fois, c’est la coopération inédite entre les trois opérateurs historiques « longtemps rivaux » qui pourrait redessiner les équilibres du secteur.
Une alliance motivée par la nécessité de consolider les investissements dans les réseaux et de garantir la pérennité d’un marché où les marges se réduisent et où la concurrence internationale s’intensifie.
Mais la route reste longue et semée d’embûches : les négociations s’annoncent complexes, et tout projet d’accord serait soumis à un contrôle strict des régulateurs.
D’ici là, Altice devra continuer à gérer sa dette monumentale, tandis que Bouygues, Free et Orange guetteront la moindre ouverture pour relancer leur offensive.
Une chose est sûre : le feuilleton du rachat de SFR ne fait que commencer, et son issue pourrait bien redéfinir durablement l’équilibre des télécoms en France.
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